Les vrais héros de l'ombre

D'aucuns me considèrent comme un héros de l'ombre. Ce que je ne suis pas. Je ne suis pas un héros. Je ne me tapis pas dans l'ombre. Je ne suis qu'un préposé aux bénéficiaires un peu plus loquace que les autres.

Vous croyez que les autres ne parlent pas? Ils et elles parlent aussi. Différemment. Pendant leur break. Sur une page Facebook secrète. Parfois en appelant les médias sous le couvert de l'anonymat.

D'ailleurs, il est toujours possible aux plus peureux d'employer la tactique dite de l'enveloppe brune. Vous dénoncez tout ce que vous avez à dénoncer. Vous mettez ça dans une enveloppe brune. Vous déposez l'enveloppe brune, anonymement, à Radio-Canada, à TVA Nouvelles, à L'Écho des Patates. Et puis vous laissez ça suivre son chemin. Vous pouvez aussi tracer des graffitis dans les toilettes. Dénoncez les irresponsables dans l'organigramme, même si vous devriez couvrir tous les murs avec des titres et des fonctions à n'en plus finir...

Moi, j'ai choisi de rédiger un blog. Et de parler. Tout le temps.

La peur est inhérente à notre métier. Surtout en ce moment.

On a toujours un peu peur de s'infecter et d'infecter les autres voyez-vous.

Mais revenons aux héros de l'ombre.

Je veux parler de mes collègues de travail, de mes camarades avec lesquels je combats toutes mes peurs en plus de toutes les maladies.

Gracia, Sonya, Annie, Marc, Carolle, Safietou, Kayla, Stéphanie, Daniel, Marie-Clarisse, Mariem, Anne-Marie, Mohamed, Andrée-Anne, Marie-Ève, Sylvie, Linda, Huguette, Sydonie, Octavie et tous les autres que je pourrais oublier.

Je veux aussi vous parler de la plus grande héroïne de l'ombre qui soit à mes yeux: ma blonde, Carole.

Elle se démène comme un ange dans un volcan depuis le tout début de cette pandémie. Elle n'a jamais cessé de travailler. Elle est toujours prêt de la ligne de front. Elle assume ses fonctions de directrice avec bienveillance et humanité. Même en étant testée positive à la Covid-19 elle travaillait jusqu'à 8 heures par jour en quarantaine. Et elle tient le fort sans fléchir. On ne réussit pas à la faire trembler. Ce qui assure notre sécurité et notre protection en tant que préposés.

Je veux la remercier, elle aussi, évidemment, en oubliant mon parti pris.

J'ai la chance de vivre avec une personne d'une exceptionnelle humanité.

Et j'ai aussi cette chance de travailler avec du bon monde pour du bon monde.

C'est avec émotion que je recommence le travail.

Nous ne savons rien de l'immunité que nous avons acquise des suites de notre Covid-19.

On baigne dans l'inconnu face à la Covid-19. J'y ai seulement perdu l'odorat. D'autres y perdent la vie.

Je vois les Québécois qui ne portent pas de masques et ruent dans les brancards de reprendre le train-train quotidien. Je me dis que nous n'avons encore rien compris. Que je n'ai peut-être pas parler assez fort...  Combien perdrons-nous de vies, par négligence, par insouciance, par impatience? Faut-il applaudir cette foule qui piétine les corps des malades qui sont tombés au sol en tentant de s'enfuir du stade?

Quoi qu'il en soit, s'il me reste un an à vivre avec la Covid-19, qui reviendra ou ne reviendra pas,  je veux vivre cette année dans la vérité. Toute forme de mensonge, institutionnel ou pas, m'horripile. Je ne veux pas vivre dans le mensonge. Ni mourir dans le mensonge.

Si vous êtes du genre à vous en prendre aux héros de l'ombre, je vous pointerai de mon gros doigt en vous disant watch out...







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